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Carnets de route #1

Carnets de route #1

Montre molle

Hulot, enfant de Rocard ? Dans l’art de la démission surprise, l’un et l’autre ont installé un modèle et pourtant, curieusement, cette parenté d’attitude a peu été soulignée, ces derniers jours. Petit rappel des faits : le 3 avril 1985, il est 23 heures lorsque le ministre de l’Agriculture appelle le permanencier de l’Élysée. Il veut joindre au plus vite le Président de la République. Pourquoi une telle urgence ? Parce qu’il entend démissionner ! La décision, prise le jour-même, d’instaurer la proportionnelle intégrale pour les prochaines législatives l’insupporte. C’est à ces yeux une manœuvre indigne destinée à jeter le FN dans les pattes de la droite. Averti, François Mitterrand finit de diner puis enregistre sans commenter. Michel Rocard peut alors joindre l’AFP. À 2h27 du matin, la nouvelle tombe sur les téléscripteurs. Tempête dans les rédactions !

Plus de trente ans après, le 28 aout 2018, sur Inter, à l’heure du laitier, Nicolas Hulot n’a guère agi différemment pour des motifs qui sont, au fond, comparables : sentiment d’impuissance, exaspération devant l’accumulation progressive de désaccords larvés, soif de retrouver des mains libres (et propres !). Tout cela montre au passage que ce type de comportement ne distingue pas, comme on le répète à satiété, ceux qui sont de professionnels de la politique et ceux qui viennent d’ailleurs. Michel Rocard et Nicolas Hulot ont craqué ou cédé – comme on voudra – de manière aussi brutale qu’improvisée. Jamais avec eux, le mot démission n’a aussi bien porté son nom.

Dans ces deux épisodes, la vraie différence vient en fait de l’Elysée. En avril 1985, la réaction de François Mitterrand est immédiate. Dès la fin de matinée, il nomme au débotté Henri Nallet à l’Agriculture. Un simple conseiller technique de la Présidence de la République pour remplacer le porte-drapeau de la seconde gauche : c’est montrer que tout cela n’a guère d’importance et que les ministres se bougent comme des pions dès lors que la ligne politique, celle qui se décide au sommet de l’Etat, demeure inchangée. Dans le genre jupitérien, difficile de faire mieux. Or c’est précisément ce qu’Emmanuel Macron, bien qu’il revendique ce rôle-titre, ne semble pas comprendre.

Ce que François Mitterrand avait fait en une demi-journée lui a pris une semaine alors qu’il était clair, d’emblée, que faute d’une personnalité capable de se substituer à Nicolas Hulot avec un même impact, la vraie question n’était pas celle du nom du remplaçant mais de la célérité du remplacement. Résultat : un vide vécu par l’opinion comme un désordre et que les médias ont rempli illico à leur sauce en s’interrogeant, faute d’avoir autre chose à se mettre sous la dent, sur les «vraies raisons» d’une démission puis sur le format exact du remaniement à venir, avec au final, ce commentaire désabusé : tout ça pour ça !

Pour se justifier, Emmanuel Macron aime à se présenter comme «le maître des horloges», celui auquel nul ne dicte son agenda et qui sait garder la main ferme au cœur de la tempête. Mais en l’occurrence et comme d’ailleurs dans l’affaire Benalla, de quelle maitrise parle-t-on dès lors que le spectacle est celui d’une résignation programmée ? L’horloge macronienne dans la crise imprévue ne sait que retarder. C’est celle d’un Président qui hésite, gagne du temps face à l’inéluctable et finit par confondre la foudre et le pétard mouillé. Procrastiner n’est guère jupitérien. Le tempo des décisions présidentielles est ainsi sans surprise puisqu’en chaque occasion, il vise à attendre plutôt qu’à accélérer, comme si cette manière de faire univoque relevait moins d’une stratégie que d’un trait de caractère. Certains parleront de «hollandisation». On préférera évoquer ici «la montre molle» de Salvador Dali tant les situations auxquelles cela conduit semblent surréalistes.

Tournez manège

Cohn-Bendit, Tubiana et tant d’autres encore… C’est la loi des remaniements qui se font attendre et que la presse commente en temps réel et à ciel ouvert. Rumeurs bidons, coup de billard à trois bandes, enfumages et ballons d’essais. Comme disait autrefois un haut fonctionnaire – François Roussely pour ne pas le citer – qui avait vu passer trop d’eau sous les ponts pour se laisser impressionner par ce genre d’agitation : «je connais beaucoup de ministres qui ne l’ont jamais été».

Vert de gris

L’écologie vire du vert au gris. Avec Hulot, c’était une mystique. Avec de Rugy, c’est une politique. On verra l’usage qui sera le plus efficace. En attendant, la preuve est faite qu’on peut passer à la fois pour un ambitieux sans principes et un ministre sans ambition.

Influence

La Ligue pour la protection des oiseaux est une ONG. La Fédération nationale des chasseurs est un lobby. FO, la CGT ou la CFDT sont des confédérations syndicales. La FNSEA est un lobby. Mais qu’est-ce en fait qu’un lobby ? Maintenant, on sait : c’est une ONG ou un syndicat qu’on n’aime pas.