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Carnets de route #2

Carnets de route #2

Le progressisme selon Macron

Sur l’Europe, le candidat Macron, s’était avancé, de son propre aveu, avec des idées «simples». On peut toutes les retrouver dans son livre-programme, Révolution. Pour sortir l’Union d’une léthargie qu’il jugeait mortifère, il se plaçait sur le terrain essentiellement économique. Il proposait ainsi de «lancer un budget de la zone euro», richement doté, afin de financer «les investissements communs», d’aider «les régions les plus en difficulté» et de répondre «aux crises». Pour cela, expliquait-il, «il faut un responsable», c’est-à-dire «un ministre des Finances de la zone euro», responsable à son tour devant «un Parlement» spécifique.

Selon le candidat Macron, ce programme de réforme supposait «une véritable décision politique, prise dans les deux ans», faute de quoi, il lui semblait «peu probable que l’Europe dure longtemps». « A l’issue de ces deux années, écrivait-il encore, «il y aura un rendez-vous avec le peuple français» – en clair, le scrutin des européennes de mai prochain– et, prévenait-il, «si nous avons échoué, il sera indispensable d’en tirer toutes les conséquences pour nous et nos partenaires». Confiant et déterminé à la fois, le candidat Macron concluait son propos par ces lignes qu’il faut citer intégralement : «Ce combat pour l’Europe est l’un des plus essentiels pour le prochain Président. Il est la condition de notre souveraineté et pour y parvenir, nous devons convaincre aujourd’hui nos partenaires européens. C’est cela que je conduirai, de manière très étroite avec l’Allemagne et l’Italie, notamment».

En matière d’anticipation, on a parfois fait mieux ! Outre-Rhin, Merckel freine aujourd’hui des quatre fers pour ne pas chuter. De l’autre côté des Alpes, Salvini mène la danse populiste. L’Europe rêvée par Macron n’est pas au rendez-vous. A partir de là, deux solutions possibles. Soit constater l’échec et en conclure, comme le faisait le candidat, que l’Union est en phase terminale. Soit, ce qui est évidemment un peu moins déprimant, changer de terrain et de stratégie. C’est ce grand virage sur l’aile qu’est en train d’opérer le Président depuis le début de l’été.

Le projet macroniste pour l’Europe était hier offensif et optimiste. Il est désormais essentiellement défensif. Il vise moins à construire qu’à défendre. Face aux «populistes» de tous poils, l’urgence est à la résistance et celle-ci exige donc, en vue du scrutin européen du printemps prochain, un rassemblement de tous «les progressistes». Macron ne parle pas de front, comme certains, en d’autres temps, d’un front antifasciste. Mais c’est tout comme ! Il en fixe les contours de manière principalement négative. D’où l’usage du pluriel lorsqu’il met en scène «les progressistes» d’un côté et les «populistes» de l’autre. Pour être large, la résistance doit être diverse. Pour être solide, elle doit avoir des ennemis clairement identifiés et pour cela, Salvini ou Orban font amplement l’affaire. Pour être forte, enfin, mieux vaudrait qu’elle ait un leader ou, pour le moins, un chef de file. Ce rôle-là, Macron le revendique sans détour.

Parce qu’il est dicté par les circonstances et donc improvisé à la va-vite, ce plan de bataille de substitution signé Macron est d’un caractère très rustique. Il se heurte à une série de difficultés et de contradictions qui ne sont pas de même nature mais qui, en se conjuguant, augurent mal de la réussite finale de toute l’opération. On en fera ici la liste sans qu’il soit nécessaire de les hiérarchiser.

1 – Les «progressistes» sont, d’abord et avant tout, les défenseurs du «vieux monde», autrement dit d’une Europe qu’il convient sans doute de réorienter en temps utile – mais dans quel sens ? – sans modifier pour autant son logiciel originel. Macron a l’habitude de dire, dans sa gestion des dossiers hexagonaux, que ce qui ne marche pas et coûte «un pognon de dingue», il faut savoir le réinventer tout entier. Or, c’est une logique que, curieusement, il abandonne lorsqu’il s’agit de l’Europe. Avec ses partenaires de jeu, le voilà désormais progressiste en parole et conservateur dans les faits puisque l’urgence est de serrer les rangs.

2 – Si l’on admet que le dégagisme n’est pas une simple spécialité hexagonale, c’est prendre un risque considérable que de vouloir réunir, dans un même rassemblement, les sortants de toutes obédiences face à la menace barbare. On peut sans doute admettre, comme on le dit à L’Élysée, que chez les «progressistes» européens, certains le sont plus que d’autres et marchent d’un pas plus allant. Reste que pour gagner, en mai prochain, il y a des nuances qu’il va falloir gommer, des divergences qui devront être minimisées, des blocages qui ne pourront être levés, bref des compromis a-minima qui devront être passés, sauf à croire que l’Europe toute entière puisse être bientôt submergée par un macronisme fidèle à ses ambitions premières. Tout cela est évidemment une vue de l’esprit et contraire, de surcroit, à la logique du rassemblement. Macron peut trouver des alliés en Europe, au sein de la vieille droite comme au sein de la gauche traditionnelle et du centre éternel. Il peut avoir des partenaires dans un projet défensif. Mais personne ne peut sérieusement imaginer que, dans un bloc majoritaire, au futur Parlement européen, il puisse avoir, dans la meilleure des hypothèses, autre chose qu’un simple rôle d’avant-garde.

3 – Le discours «progressiste» est armé de longue date contre le discours «souverainiste» dans sa version sécessionniste. Jusqu’à présent, il l’a toujours emporté – sauf en Grande Bretagne. Mais, en changeant de nom, l’ennemi a changé de visage et surtout de stratégie. Pas plus que «les progressistes», «les populistes» – au pluriel, eux aussi – ne forment un bloc homogène. La plupart d’entre eux ne sont d’ailleurs pas anti-européens, au sens propre du terme. Ni Salvini, ni Orban, ni d’ailleurs Mélenchon si on entend le ranger dans cette catégorie, ne plaident, prioritairement, pour que leur pays sorte de l’Union. Ce sont, au moins en parole, des réformateurs radicaux qui veulent changer une Europe trop ouverte, à leurs yeux, aux vagues d’immigration, trop dans la main des oligarchies bruxelloises ou trop sensibles au discours austéritaire. On pourra toujours dire que, ce faisant, ils la dénaturent. Mais la plupart d’entre eux inscrivent leur combat dans un cadre européen avec l’ambition d’y être un jour majoritaire. C’est ce qui change du tout au tout le sens de l’affrontement. Là encore, il n’est pas sûr que la meilleure réponse soit d’opposer l’Europe telle qu’elle doit demeurer à l’Europe telle qu’elle pourrait devenir. Il serait paradoxal – et ô combien périlleux – que le clivage essentiel des prochaines européennes soit, comme ça en prend le chemin, celui du statu quo aménagé et du changement, fût-il à haut risque.

4 – La proportionnelle de liste, qui est le scrutin des européennes dans la quasi-totalité des pays de l’Union, complique singulièrement la bataille telle que l’imagine Macron. En France, ce dernier a voulu qu’à l’avenir, ces listes soit à nouveau nationale et pourtant, il aimerait que le rendez-vous électoral du printemps prochain soit à la fois le laboratoire de l’affrontement «progressistes» vs «populistes» et l’occasion d’une nouvelle manifestation de force de son parti sur les ruines du clivage gauche/droite. C’est beaucoup demander à la fois. Car de deux choses l’une : soit ce qui prime est l’enjeu européen et alors, dans un scrutin proportionnel de liste, il est logique que toutes les nuances du bloc «progressiste» s’expriment de manière autonome. Que dans le futur Parlement européen, «les progressistes» français soient macroniens, modérés de droite, conservateurs affichés, centristes, écolos ou socialistes, au fond quelle importance ? D’un point de vue tactique, ne vaudrait-il d’ailleurs pas mieux qu’ils aient pu ratisser large durant la campagne au lieu de se regrouper sur une seule liste au contenu trop vague pour être véritablement attractif ?

En revanche, si l’enjeu principal est la consolidation du parti présidentiel, il devient alors impératif que la liste d’En Marche soit, sinon celle de tous «les progressistes», du moins celle de la majorité d’entre eux. Deux logiques sont donc face à face. On voit bien laquelle est la plus forte mais on voit bien aussi à laquelle Macron donne la priorité. Derrière tout cela, il y a une contradiction inhérente à sa pensée. La France et l’Europe n’ont pas le même système institutionnel or dans la conquête et dans l’action, le Président reste en toutes circonstances un homme de la Cinquième, de la bipolarisation obligée et de la logique majoritaire. C’est ainsi qu’il a forcé la porte de l’Élysée. C’est ainsi qu’il voudrait maintenir l’Union à flot sans voir qu’elle fonctionne à l’alliance et au compromis parce que telle est sa culture et telles sont surtout ses règles, celles que précisément «les progressistes» prétendre vouloir sauvegarder. Le risque, à ce jeu, est que Macron perde sur les deux tableaux et que, face au populisme qui monte, le premier rendez-vous de son quinquennat marque le reflux de son influence tant en France qu’en Europe, ce qui, avouons-le, serait quand même un comble.

Conflit d’intérêts

La nouvelle ministre des Sports, Roxana Maracineanu, est mariée à un journaliste sportif qui commentait des matchs sur Inter. Celui-ci devra émigrer vers un nouveau service. Conflit d’intérêt potentiel, paraît-il. Que fera-t-on demain si le conjoint d’une ministre de la Défense s’engage dans la marine, si la compagne d’un ministre de l’Agriculture veut élever des vaches ou celle d’un ministre de l’Économie ouvrir un magasin ?

Champions

Les Bleus ont fêté leur seconde étoile au Stade de France. Il y avait un absent dans la tribune officielle et, étonnamment, personne n’en a parlé. En juillet, Macron ne quittait pas d’une semelle Deschamps et ses joueurs. La coupe semblait un peu la sienne. Il en faisait des tonnes. Aujourd’hui, le voilà contraint de déclarer forfait. La descente accélérée des Champs, au lendemain de la victoire, afin que les champions du Monde soit à l’Élysée pour l’ouverture du 20 heures, est un volet mineur de l’affaire Benalla. Il n’est pas certain que ce soit celui qui ait le moins dégradé l’image du Président, aux yeux des Français.