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Carnets de route #5

Carnets de route #5

Collomb, couronne et chaussons

Gérard Collomb revient dans sa bonne ville de Lyon. Sa carrière ministérielle n’aura été qu’une courte parenthèse dans une vie politique essentiellement consacrée à un mandat local. Au-delà de son côté tragicomique, sa démission vient rappeler le mode de fonctionnement de ce qu’on appelle «les grands féodaux» et leur mode d’insertion compliquée dans le jeu de la démocratie française. Collomb, en ce sens, a quelque chose d’archétypal.

Il voulait être ministre au moins une fois dans sa vie. Il s’est battu en 2017 pour avoir l’Intérieur, en haut de la hiérarchie gouvernementale, avec la barrette prestigieuse de ministre d’Etat. Modèle Defferre, pour aller vite. Il n’a pas voulu voir que Beauvau, dans le contexte actuel, sur fond de terrorisme et d’insécurité, exigeait un patron qui soit un homme de l’Etat et non des collectivités locales. Modèle Joxe, pour faire simple. Si Collomb a été si médiocre à son poste, c’est qu’il n’était pas à sa place ou, pour le dire autrement, que cette place, au fond, ne l’intéressait qu’à moitié.

S’il avait été encore parlementaire lors de l’élection de Macron, il aurait fait un parfait président d’assemblée. Si le choix des ministres du gouvernement Philippe s’était fait uniquement sur des critères de compétence, il aurait pu hériter de la Cohésion des territoires ou, pourquoi pas d’un poste, à Bercy, lié au développement économique et l’innovation. Ce qu’il avait fait à Lyon et dans le Rhône, avec un beau succès, il pouvait parfaitement le refaire au niveau national. Mais parce qu’à plus de 70 ans, il cherchait le prestige et, au fond, la revanche, Collomb s’est piégé lui-même.

Il démissionne aujourd’hui d’un poste qu’il n’occupait qu’à distance et à temps partiel. On lui reproche une politique qui, sur les questions de police et d’immigration, lui était en fait dictée par l’Elysée. «Quand je pète, c’est lui qui pue», disait Clemenceau de son fidèle Mandel. L’affaire Benalla a fait la démonstration que Collomb n’entendait pas être le Mandel de Macron. Pour ce rôle ingrat, il faut être en même temps flic et petit soldat. Or par construction, un grand féodal, surtout en fin de carrière, n’a ni le talent, ni les défauts nécessaires pour ce genre d’exercice. Le vrai reproche que l’on peut faire à Collomb n’est pas d’être parti trop vite mais de s’être aperçu trop tard qu’il avait fait fausse route.

Le grand féodal, de surcroit, reste cumulard dans l’âme alors que l’époque précisément l’interdit. S’il empilait hier les mandats, c’était d’abord pour conforter son fief. S’il montait à Paris, soit comme parlementaire, soit même comme ministre, c’était avec l’idée qu’au bout du compte, ces brèves virées dans la capitale devaient lui permettre de revenir chaque week-end à la maison avec une influence accrue. Aujourd’hui encore, ce type de carrière n’est pas ascensionnelle. Elle est autocentrée. Collomb est le dernier héritier de cette longue tradition.

On l’a souvent présenté comme le représentant du vieux monde dans l’univers macroniste. Il était en fait plus que ça. Sous Hollande, alors qu’il était maire de Lyon, président de la communauté urbaine et sénateur du Rhône, il incarnait déjà la résistance à des évolutions législatives qu’il jugeait mortifères. Devenu ministre de Macron, il s’est adapté à des règles de non-cumul que dans son for intérieur, il n’acceptait toujours pas. À Beauvau, il est resté le véritable maire de Lyon, plus présent dans sa ville que dans son ministère avant de s’apercevoir qu’à ce jeu, il risquait de perdre sur les deux tableaux à la fois. Ministre en sursit et élu local en danger, il a vite arbitré à l’approche des municipales en montrant du même coup quelles étaient ses hiérarchies et ses priorités. Au gouvernement, il n’était donc que de passage.

Pour Collomb, tout a commencé à Lyon et tout y finira. Il n’est pas de ces grands élus, genre Juppé ou Aubry, qui ont grandi à Paris – politiquement parlant – avant d’aller chercher en province le fief nécessaire à leurs ambitions nationales et qui y sont restés lorsqu’elles se sont écroulées. Le grand féodal, lui, n’est pas un parachuté. C’est à Paris qu’il se sent étranger. Souvent d’ailleurs, il a construit sa carrière dans une hostilité revendiquée à l’univers de la capitale, jugé artificiel ou même frelaté. Collomb, comme Frêche autrefois, a toujours considéré que Paris, ses énarques, ses intellectuels, ses journalistes, tous réunis dans un même monde, au fond le méprisaient et que s’ils l’accueillaient parfois, c’était à contre-cœur, comme ces cousins enrichis, venus de leurs provinces et auxquels on ne réservera jamais plus qu’un bout de table, à titre provisoire.

Le grand féodal – et c’est le fond de sa psychologie particulière – vit de ce complexe. Il l’entretient parce que cela l’enracine dans son fief. Il le cultive parce que cela donne un air de revanche ô combien délicieux à ses brèves excursions en territoire ennemi. Ces plaisirs-là sont fugaces. Il arrive toujours un moment où le réel se venge. Ministre de passage, ministre de passade, Collomb a vécu avec Macron une liaison éphémère. De retour à Lyon, il a confié que le ciel y était plus bleu qu’à Paris. Le grand féodal n’est pas un conquérant. C’est chez lui qu’il est roi. C’est chez lui qu’il retrouve sa couronne et ses chaussons à la fois.

Retraite

Toujours aussi vert, Daniel Cohn-Bendit ne veut pas raccrocher. Lundi sur France Info, il a confié qu’il prendrait une part active à la prochaine campagne des européennes. Dans la foulée, il a conseillé à Gérard Collomb de prendre sa retraite pour mieux s’occuper «des pâquerettes et de ses petits-enfants». Daniel Cohn Bendit a 73 ans. Gérard Collomb en a 71. Cherchez l’erreur.

Mariage

«C’est toi que j’aurais dû épouser» : confidence de Brigitte Macron à Stéphane Bern rapportée dans Vanity Fair, septembre 2018. No comment.