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La com’ de l’acte II

La com’ de l’acte II

Depuis la rentrée, Emmanuel Macron a-t-il changé de communication ?

Sa communication consiste à faire savoir urbi et orbi qu’il en a changé et qu’à partir de là, son quinquennat a pris un nouveau tour. L’idée, à l’évidence, est de présenter l’image d’un Président plus sage, plus mûr donc moins pressé et, du coup, d’une arrogance moins juvénile. Ce qu’on présente comme un virage ne date pourtant pas de cet été. Pour sortir de la crise des gilets jaunes dont on mesure a postériori combien elle l’a paniqué, Macron avait proposé au pays « un grand débat ». A partir du moment où il fait l’analyse que cette crise couve encore, il est assez logique qu’il veuille en organiser un qui soit désormais permanent, au moins sur les sujets les plus chauds de l’action gouvernementale. La vraie nouveauté qu’il avait d’ailleurs annoncée lors de sa conférence de presse du 25 avril, c’est une répartition des rôles au sommet de l’État qui le protège davantage. Le Président se veut plus en surplomb, moins systématiquement en première ligne de la bataille. Ses coups d’éclats, il les réserve quand il le peut, à l’international. Pour le reste, on voit bien qu’il aimerait se présenter comme une instance d’impulsion mais aussi d’arbitrage, voire de recours en cas de coup dur. Dit de manière plus prosaïque, Macron fait comme tous ceux qui, avant lui, ont traversé pareille épreuve : il réduit la voilure. Il ne pouvait guère faire autrement. C’est pour cela qu’il tente de faire croire que ce changement, il l’a librement consenti. Tel est, à mon sens, l’objet de sa nouvelle communication qui est surtout une manière de positiver un début de normalisation. Au sens vrai du terme, il s’agit là d’une mise en scène.

Est-ce une solution pour mieux se faire entendre des Français submergés par le bruit médiatique ? En 2019, peut-on encore conseiller à un Président le choix d’une parole rare ?

Je ne sais pas si certains le lui conseillent mais, en tous cas, telle ne me semble pas être son intention. Depuis la mi-août et la visite de Poutine à Brégançon, Macron n’a été économe ni de son verbe, ni de son image. Je dirais même qu’il a saturé les écrans. Ce qui change, c’est le registre et la tonalité de ses multiples interventions qui visaient à planter le décor de la rentrée avant que le Premier ministre et son gouvernement entrent en piste à leur tour, avec une feuille de route à la main. Tout cela est assez bien fait mais reconnaissons-le, d’un classicisme absolu dans la méthode. Hollande et Sarkozy, pour ne parler que d’eux, n’agissaient pas différemment. Est-ce pour cela que Macron sera mieux entendu des Français ? On verra bien… Je pense surtout que la question est moins de savoir si le Président sera entendu mais de mesurer combien les Français auront le sentiment d’être enfin écoutés. Si rupture il y a eu hier avec l’opinion, ça n’était pas par manque de pédagogie mais parce que la politique menée ne correspondait pas à ses attentes. Faire demain de la calinothérapie dans un débat sans fin peut apaiser quelques tensions mais si le cap politique reste le même, les mêmes causes produiront alors les mêmes effets.

Et cela, selon vous, que le Président reste ou non jupitérien ?

Jupiter, c’est à la fois l’ADN et le boulet du Président. Sans lui, Macron est sans substance; avec lui, il est en grand danger. Du coup, on voit bien quel est l’enjeu de la période qui s’ouvre. Le Président doit montrer dans les actes qu’il est devenu plus modeste tout en restant ambitieux, qu’il est désormais différent tout en demeurant identique. Ce nouvel « en même temps » est décisif pour la suite. Le risque principal est qu’au bout de cette séquence, les Français aient le sentiment que tout cela n’était que ruse – rien que de la com’, comme on dit – et que sous d’autres atours, en substituant Machiavel à Jupiter, on ait gagné du temps plutôt que de régler leurs problèmes.

Le procès en « chiraquisation » que certains ont déjà entamé, n’est-il pas l’expression du risque que vous venez de pointer ?

D’une certaine façon oui, même si le reproche qu’on a souvent fait à Chirac est d’avoir été, comme disait Sarkozy, plus fainéant que machiavélique. A ce jeu des comparaisons vachardes, on pourrait d’ailleurs tout aussi bien parler de hollandisation. Ce que tout cela signale, c’est la formidable fragilité des Présidents de quinquennat qui, avec des pouvoirs identiques, à la fois durent moins longtemps et s’usent plus vite que leurs prédécesseurs à tel point que le rythme du changement, quand le souffle initial vient à manquer, leur pose des problèmes qu’aucun jusqu’ici n’a vraiment su régler.

Cet entretien a été initialement publié le 6 septembre 2019 dans Le Figaro.