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L’autre gauche s’éclate dans l’ex-banlieue rouge

L’autre gauche s’éclate dans l’ex-banlieue rouge

Choses vues et trop peu soulignées en Seine-Saint-Denis, cet ancien bastion du PC dans ce qu’on appelait autrefois la ceinture rouge.

À Noisy-le-Grand, le 20 septembre dernier, le député-maire socialiste, Michel Pajon a été battu dans le cadre d’une triangulaire qui l’opposait à une liste d’union des droites et à une liste conduite par le Front de gauche. Dans cette commune qui fut longtemps communiste, gérée par le PS depuis 1995 après une parenthèse RPR-UDF de dix ans, la candidate des Républicains, Brigitte Marsigny l’a emporté de trente voix, au second tour On a tout dit sur ce scrutin sauf peut-être l’essentiel. La responsabilité de la défaite de la gauche revient pour l’essentiel au maintien d’une liste dont le PC constituait l’armature et qui bénéficiait du soutien actif de toutes les tribus du trotskisme (NPA, PCI…). Elle avait recueilli 9,6% des voix. Elle a refusé de se désister pour la liste de Michel Pajon qui, au 1er tour, était arrivée au coude à coude (39%) avec celle de la droite. Mais dans cette affaire ô combien révélatrice des divisions suicidaires de la gauche, le plus intéressant a été pourtant moins le comportement des appareils politiques que celui des électeurs.

Au second tour, en effet, la campagne très active du maire sortant explique en grande partie la hausse sensible de la participation (+ 3 500 voix pour une participation de 16 017 votants). Or, malgré cette pression unitaire et dépit du caractère évident du danger de basculement à droite de la ville, la liste «Noisy solidaire» qui se présentait comme la seule «vraiment à gauche» a su conserver son capital d’électeurs. Elle en avaient mobilisé 1 281 au 1er tour. Elle en a réuni 1 156 au second. Ce qui prouve tout simplement que sa stratégie a été comprise et approuvée. La cassure, à Noisy-le-Grand, n’est pas le fait du sectarisme d’en haut. Elle est la traduction concrète d’une somme de désaccords et de détestations au sein même de l’électorat de la gauche.

À la Courneuve, le 27 août dernier, le plus vieux camp de Roms du pays a été évacué par les forces de l’ordre. Celles-ci agissaient, sur décision de justice, à la demande du maire communiste de la ville, Gilles Poux. Des associations locales, soutenue par l’extrême gauche, avait imaginé un plan de «sortie par le haut» que les élus, écolos compris, jugeaient trop peu fiables pour être validé. Le maire, dans cette opération, a obtenu le soutien sans nuance de la députée de la circonscription, Marie-George Buffet, avec la seule garantie, de la part de l’État, d’une vague conférence régionale destinée à une meilleure répartition des installations de Roms. De semblables évacuations avaient été conduites, dans les semaines précédentes, à Saint-Denis notamment, toujours à la demande des maires communistes. A chaque fois, ceux-ci ont obtenu le concours de la puissance publique, au grand dam des militants d’une «autre gauche» qu’il leur arrive pourtant de côtoyer dans les urnes. À Noisy-le-Grand, notamment.

À Montreuil, enfin, le 14 septembre, plus de 300 employés municipaux conduits par la CGT ont envahi de la mairie communiste dirigée par Patrice Pessac. Ils entendaient protester contre la gestion de ce dernier, depuis qu’il a été élu en mars 2014. Pour faire baisser un niveau absentéisme jugé anormalement élevée, Patrice Bessac a élaboré une politique marquée, selon les manifestants, au coin de «l’austérité». Sa qualité de membre du Comité exécutif national du PC ne l’a en rien protégé des foudres de la CGT qu’on avait connu plus indulgente, dans un passé récent, à l’égard des dirigeants communistes.

Quoi de commun entre ces trois épisodes récents de la vie locale en Seine-Saint-Denis ? Pas grand chose et c’est bien là le problème. À la gauche de la gauche, et au PC en particulier, les lignes se croisent, les boussoles s’affolent, les anciens réflexes se perdent. Chacun n’en fait plus qu’à sa tête. En ce sens, la Seine-Saint-Denis, qui fut longtemps le laboratoire d’un projet rouge vif, est devenu celui d’une décomposition avancée dont on mesure aisément qu’il dépasse les frontière d’un simple département de la banlieue parisienne.