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Le successeur de Rebsamen ? Bercy évidemment !

Le successeur de Rebsamen ? Bercy évidemment !

Quel rapport entre la démission de François Rebsamen et le niveau du chômage ? Autant le dire nettement : aucun ! À ceux qui pensent le contraire et qui écrivent ici ou là que le retour à Dijon du ministre du Travail est un très mauvais signe alors que l’inversion de la courbe reste la grande affaire du quinquennat hollandais, on peut opposer deux arguments. Le premier est que sur le front de l’emploi, François Rebsamen a globalement échoué durant l’année qu’il a passé rue de Grenelle. Du coup, il est paradoxal d’expliquer qu’en rendant son tablier, il empêche ou il gêne, du même coup, un mouvement qu’il n’a pas su provoquer…

Plus sérieusement, c’est avoir une drôle de conception de l’action ministérielle – au Travail notamment – que d’imaginer un instant que le titulaire du poste puisse avoir une action décisive sur l’emploi. C’est la croissance qui favorise l’embauche. Celle-ci dépend donc d’un contexte économique global sur lequel le ministre de l’Économie – Emmanuel Macron, en l’occurrence – a mille fois plus d’influence que son collègue du Travail. A ce poste, le successeur de François Rebsamen sera le treizième en vingt ans. Tous n’ont pas échoué de ma même manière sur le front du chômage. Aucun, pour autant, ne peut se prévaloir d’un franc succès.

C’est que la mission qui leur est impartie n’est pas celle qu’on prétend. Rue de Grenelle, on favorise – ou non – le dialogue social. On modernise – ou non – la législation du travail. On pèse – ou non – sur les conflits qui interviennent ici ou là. On gère enfin – ou non – avec les partenaires sociaux, les protections dont bénéficient les chômeurs. Tout cela n’est pas sans effets sur l’emploi mais il faut bien reconnaître que c’est d’abord à Bercy que l’on trouve la cabine de pilotage de l’économie française.

Or, on voit mal que, dans les mois à venir, la stratégie du gouvernement, telle qu’elle a été progressivement mise en place depuis 2014, puisse changer radicalement de direction. De ce point de vue, le remplaçant de François Rebsamen aura une influence marginale et cela d’autant plus que son action principale sera de mettre en œuvre une loi sur le dialogue social qui vient à peine d’être promulguée.

À moins de deux ans de la présidentielle, tout nouveau ministre, quel que soit son poste, devra essentiellement accompagner un mouvement lancé par son prédécesseur. Au Travail, la partie la plus visible de son action sera de commenter, chaque mois, les chiffres du chômage en expliquant, selon la tendance, que la direction reste la bonne, même si les résultats, se font attendre ou que l’inversion tant attendue est désormais une réalité. On n’ira pas jusqu’à dire qu’il ne fera que de la représentation mais il serait sot de prétendre que dans ce ministère-là, on puisse faire désormais autre chose que d’accompagner la tendance, en espérant que celle-ci soit la bonne.

La succession de François Rebsamen est donc une pure question d’affichage. En politique, ça n’est pas secondaire. L’enjeu est tel pour François Hollande qu’il ne peut se permettre de donner le sentiment qu’il prend ce dossier à la légère. D’où un problème de casting que la presse, toujours pressée, aimerait régler à sa main en lâchant des noms et des pseudo-candidatures dont il faut bien reconnaître qu’elle ne sait rien de précis.

De cet épisode secondaire de la vie gouvernementale, on retiendra ainsi trois leçons qui disent davantage l’époque que la réalité du marché du travail. La première est qu’en France, on continue à croire que l’emploi est une variable politique soumise au bon vouloir ou au talent d’un ministre. Hélas, tel n’est plus le cas, si tant est d’ailleurs que cela ne l’ait jamais été. La seconde est que dans la hiérarchie des ambitions, un poste de maire est jugé désormais plus enviable qu’un portefeuille ministériel. La troisième est que la règle du non-cumul est entrée à ce point dans les mœurs qu’il faut des circonstances exceptionnelles pour qu’on ose s’en extraire.

De cet épisode secondaire de la vie gouvernementale, on retiendra ainsi trois leçons qui disent davantage l’époque que la réalité du marché du travail. La première est qu’en France, on continue à croire que l’emploi est une variable politique soumise au bon vouloir ou au talent d’un ministre. Hélas, tel n’est plus le cas, si tant est d’ailleurs que cela ne l’ait jamais été. La seconde est que dans la hiérarchie des ambitions, un poste de maire est jugé désormais plus enviable qu’un portefeuille ministériel. La troisième est que la règle du non-cumul est entrée à ce point dans les mœurs qu’il faut des circonstances exceptionnelles pour qu’on ose s’en extraire.

Si François Rebsamen avait eu sous la main, à Dijon, un homme ou une femme d’une pointure suffisante pour gérer une ville et une communauté urbaine de cette importance, sans doute serait-il encore ministre. S’il n’avait pas pris le risque de lâcher ses mandats locaux, en avril de l’année dernière, au lendemain même de l’élection municipale qui l’avait reconduit à son poste, sans doute serait-il resté au gouvernement. Si on lui avait offert, en 2012 ou en 2014, le portefeuille de ses rêves – celui de l’Intérieur – plutôt que de lui confier le Travail qui ne lui plaisait qu’à moitié, sans doute aurait-il davantage hésité à le rendre. Si, enfin, il avait pleinement réussi rue de Grenelle tout en menant la politique de ses vœux, sur un mode autrement plus libéral, sans doute François Hollande aurait-il réfléchi plus longtemps avant de le laisser partir.

Aucunes de ses conditions n’étant remplies et François Rebsamen n’ayant pas la surface de Jean-Yves Le Drian à la Défense, il était logique qu’on en revienne à la norme. Un ministre s’en va. Un autre le remplacera bientôt. Quand à la courbe du chômage, si elle doit un jour s’inverser, ça sera moins son œuvre que le fruit d’une politique ou d’une conjoncture sur lesquelles il ne peut pas grand chose.

Cet article a été publié le 22 août 2015 sur Challenges.fr