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Carnets de route #4

Carnets de route #4

Renaissance lepéniste

Cette année encore, la rentrée de Marine Le Pen a été calamiteuse : discours brouillé, déplacements loupés, règlements de comptes avec les amis d’autrefois, affaires en tous genres. La liste n’est pas exhaustive. C’est dans ce contexte qu’un simple sondage d’intentions de vote est venu rebattre les cartes et semer du même coup le doute dans les esprits. Si pour les prochaines élections européennes, le Rassemblement national pointe aujourd’hui à 21,5%, comme le dit Odoxa, c’est que le récit de son naufrage annoncé n’a peut-être pas cet air d’évidence qu’on lui prête souvent.

On peut bien sûr nuancer, chipoter à la marge, rappeler qu’en 2014, dans cette même compétition, la liste conduite par Marine Le Pen était arrivée en tête en frôlant la barre des 25% alors que cette fois-ci, à huit mois du scrutin, elle reste devancée par celle de LREM. Il n’empêche que la tendance n’est guère discutable : le RN, après un passage à vide, est en train de retrouver du poil de la bête, au moins sur le plan électoral. La dynamique est de son côté et le commentaire dominant est qu’à ce rythme, vue la spectaculaire dévaluation du macronisme, le rendez-vous européen sera celui de la renaissance lepéniste.

Plus que la prévision dont on sait d’expérience le caractère relatif, surtout en matière électorale, c’est la perception du moment qu’il convient d’interroger. Le RN est en lambeau, l’image de sa présidente est plus que jamais détestable et pourtant ses électeurs semblent lui rester fidèles – ou plutôt, soyons précis – moins démobilisés que ceux des autres partis. Pour comprendre ce paradoxe apparent, un petit retour en arrière s’impose sur la performance lepéniste lors de la dernière présidentielle.

2017 a été un échec qu’il faut toutefois relativiser en distinguant, pour faire simple, la candidate de son parti. Marine Le Pen s’est déconsidérée dans le débat de l’entre-deux tour. Elle n’a pas tenu le choc face Emmanuel Macron. Vulgarité du propos, légèreté des arguments, impréparation programmatique, impasse stratégique : tout cela est remonté d’un seul coup à la surface. Mais en même temps, comment oublier qu’au 1er tour, jamais un représentant du FN n’était sorti aussi haut (21,3%) ? Comment oublier qu’à la différence du 21 avril 2002, ce grand chambardement a été prévu, voulu et assumé par les électeurs au lieu d’être essentiellement accidentel ? Comment enfin ne pas voir qu’au final, des digues se sont rompues puisqu’avec 33,9% des voix, Marine Le Pen a doublé le score réalisé par son père, quinze ans plus tôt, dans des circonstances identiques.

Sur une lecture incomplète et donc biaisée d’un événement électoral hors norme et jugé pour cela fondateur, s’est ainsi greffé tout un discours sur le déclin programmé du projet lepéniste, version Marine. L’échec, répétait-on à longueur de colonnes, était patent, global, définitif. Il ne pouvait nourrir que divisions et découragement et, de fait, c’est ce qui s’est produit au sein de l’appareil, sur fond de crise de leadership. Mais on n’a pas voulu voir que les motivations des militants différent parfois de celles des électeurs. La lassitude chez les uns a des ressorts qui ne sont pas ceux des autres et du coup, elle se manifeste ni au même rythme, ni surtout avec la même profondeur. Que les électeurs lepénistes aient été déçus par le résultat de la présidentielle de 2017 est une évidence mais leurs motivations, elles, sont restées inchangées et, manifestement, rien de ce qui s’est passé par la suite n’a su les convaincre qu’une offre alternative pouvait les satisfaire davantage.

Marion Maréchal fait école mais pas encore système. Nicolas Dupont-Aignant reste un troll et Laurent Wauquiez, un prédateur édenté, sorte de Pasqua des temps nouveaux dont il n’a ni l’histoire, ni l’épaisseur. Enfin et surtout, aux yeux de ces électeurs lepénistes, la politique menée par Emmanuel Macron s’est inscrite – en plus dur – tant sur le plan social qu’européen, dans la lignée de celles menées par Nicolas Sarkozy et François Hollande. Ceux qui, pour s’insurger glissaient auparavant un bulletin FN dans l’urne n’ont donc aujourd’hui aucune raison d’agir différemment et il n’y a rien de bien surprenant si l’étiage électoral du lepénisme reste globalement stable après un coup de mou post-présidentiel.

À cela s’ajoute le fait que, traditionnellement, le rendez-vous électoral qui s’annonce n’est pas le plus compliqué qui soit pour un parti qui reste d’essence protestataire. Élection intermédiaire et élection à la proportionnelle, les prochaines européennes se présentent déjà comme un test gratuit qui, sur le plan intérieur, va permettre d’évaluer la solidité du système Macron sans que sa pérennité puisse être remise en question. Défoulement garanti ! En transformant ce scrutin en un quasi-référendum (nationalistes vs réformistes), il n’est d’ailleurs pas sûr que le Président serve vraiment les intérêts de son parti. Il est certain en revanche qu’il garantit ceux du RN, un peu comme si, dans cette affaire, Emmanuel Macron pensait avant tout aux conditions de sa réélection en 2022.

Enfin – et c’est nouveau – le contexte strictement européen de la bataille annoncée vient désormais conforter la dynamique lepéniste. Lors des précédentes échéances de ce type, le parti de Marine Le Pen souffrait d’un double handicap : sans véritables alliés au niveau de l’Union, il était de surcroit le héraut que l’on savait impuissant d’un «Frexit» anxiogène. Or cette époque-là est révolue. La vague populiste lui offre, un peu partout en Europe, sur l’axe Rome-Budapest, des relais crédibles qui sont autant de modèles. Elle place en outre la question migratoire au centre de la campagne qui vient de démarrer. Sur cette thématique qui fait partie de ses fondamentaux, le RN peut ainsi opérer, sans que cela apparaisse comme une rupture, ce qu’il faut bien appeler son grand virage européen. Si tout continue à ce rythme, le RN apparaitra bientôt comme la composante française d’un mouvement aux dimensions de l’Union capable d’en modifier le cours. Autre Europe, Europe dénaturée, Europe infidèle à son projet initial, sans doute. Mais Europe quand même, prétendument respectueuse des identités nationales et populiste jusqu’au bout.

On n’en est pas encore là. Les dés n’ont pas encore fini de rouler. Mais pour en revenir au RN et à ses intérêts proprement boutiquiers, il y a des choses d’un fumet particulier qui bouillonnent au fond de la marmite et qui font qu’on s’étonne qu’on puisse autant s’étonner de quelques avertissements sondagiers.

Le passeport de Valls

Valls file vers Barcelone avec en poche un aller simple. Soit il gagne est son avenir sera pour longtemps espagnol. Soit, il perd et son destin le sera également puisqu’il a brûlé ses vaisseaux, en France, avant de partir. Dans cette dernière hypothèse, se posera alors la question de sa nationalité. On peut être maire de Barcelone en étant français mais ne peut pas le rester pour conquérir d’autres fonctions électives en terre étrangère. Un jour, il faudra choisir.

Après Collomb

Gérald Darmanin à l’Intérieur, lorsque Gérard Collomb aura fait ses valises ? Ce n’est pas qu’une rumeur. L’intéressé y pense et au sommet de l’Etat, pour le moment, on laisse dire. Avant cela, il est vrai, il y aura l’étape à haut risque du prélèvement à la source… L’actuel ministre des Comptes publics, en tous cas, montre qu’il gère sa carrière avec méthode. Il a aujourd’hui deux fers au feu : s’il ne croit plus à l’avenir de Macron, il remettra cap au Nord, vers la Communauté urbaine de Lille. S’il espère encore, il visera Beauvau quitte à ce que le gouvernement, dans ses fonctions essentielles, présente le visage étonnant d’un rassemblement de toutes les composantes de la droite : Edouard Philippe, enfant de Juppé, à Matignon, Bruno Lemaire à Bercy et Gerald Darmanin, poulain de Sarkozy à Beauvau. Qui dit mieux ?