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Contre le FN, la ligne brisée de Sarkozy

Contre le FN, la ligne brisée de Sarkozy

Suivre l’UMP en général et Nicolas Sarkozy en particulier sur la question du FN est devenu une gageure. En politique, quand la ligne n’est pas droite, quand elle zigzague à toute occasion, c’est soit qu’on pense faux, soit qu’on tente de noyer le poisson. Faute de pouvoir trancher entre ces deux hypothèses, on en fera ici une troisième. Si le président de l’UMP tangue autant, c’est qu’il avance à la godille. Démonstration.

«Tout responsable de l’UMP qui conclura  un accord avec le Front national sera immédiatement exclu du parti». Ces propos tenus le 19 février sur Europe 1 sont très clairs. Apparemment… Qu’est-ce qu’en effet qu’un accord? Entre l’alliance en bonne est due forme, garantie par un contrat de gestion, et une simple consigne de vote, il y a quand même une sacrée marge. Or Nicolas Sarkozy se garde bien d’expliciter son propos. Signe qu’il est prêt à des accommodements? Rien, pour le moment ne laisse présager une telle évolution mais, alors, on voit mal pourquoi le président de l’UMP fait preuve d’une telle imprécision de langage sur un sujet qu’il sait pourtant détonnant. D’autant que sa déclaration à Europe 1, peut être lu dans un sens différent de celui qui été souvent retenu.

L’exclusion qu’évoque le patron de l’UMP ne concerne que les accords noués avec le FN. Lors du Bureau national qui a suivi le 1er tour de la partielle du Doubs, la ligne retenue a pourtant été celle du «ni-ni». La logique voudrait donc que Nicolas Sarkozy annonce aussi des sanctions en cas d’accords avec le PS. Ce qu’il n’a pas fait le 19 février. Oubli ou prudence? En ajoutant, ce jour-là, que l’UMP n’appellera «jamais» à voter pour le FN, l’ancien président de la République a compliqué encore davantage l’interprétation de ses déclarations. Si le refus absolu du désistement en faveur du FN reste la règle, n’est-ce pas que le «ni-ni» que défend son parti, est devenu, une ligne à géométrie variable qui devra bien être enterrée, un jour où l’autre, comme le souhaite notamment Alain Juppé. C’est ce qu’on avait cru deviner mais alors, pourquoi ne pas le dire sans détour?

«Voter pour le FN au 1er tour, c’est faire gagner la gauche au second». En prononçant cette sentence définitive, le 2 mars, dans le Figaro, Nicolas Sarkozy change de terrain mais ne clarifie guère sa stratégie. Son propos à l’allure d’un simple constat. Il s’appuie sur l’exemple du Doubs où, en effet, le candidat socialiste a du son élection à l’élimination du candidat UMP. Mais à deux semaines d’un scrutin départemental, il tombe à plat tant il paraît décalé. Si la droite républicaine compte autant progresser à cette occasion, tant en nombre de cantons que de présidence, n’est-ce pas parce que la gauche va être contrainte de voter pour ses candidats pour faire barrage au FN? Si Nicolas Sarkozy voulait être juste, il aurait donc du dire que, dans quinze jours, voter pour le Front au 1er tour, ça sera faire gagner l’UMP au second. Mais, dans l’exercice de mobilisation qui est le sien, il est vrai que pareil constat aurait surpris le lecteur moyen du Figaro…

Derrière tout cela, on retrouve un antienne que la droite reprend à loisir depuis nombreuses années, tant elle lui permet d’échapper à un débat qu’elle ne parvient pas à trancher. Quand Nicolas Sarkozy dénonce le système «FN-PS», il entend surtout pointer les responsabilités de la gauche dans la montée du Front. Sur une idée originale de François Mitterrand, la gauche n’aurait ainsi de cesse que de vouloir diviser ses adversaires, quitte à jouer la politique du pire. Ce procès récurrent est un peu court. Le reprendre alors que les socialistes n’ont jamais été aussi loin dans leurs consignes anti-FN est notablement malhonnête. Les racines de Front plongent trop profonds pour qu’on aille voir dans sa nouvelle prospérité le résultats de simples jeux tactiques. Et puis surtout, on comprend mal, à ce compte là, pourquoi le parti de Marine Le Pen n’a jamais été aussi forte, dans une présidentielle, à l’issue du quinquennat sarkozyste…

Il n’y a aucune corrélation, sur ces trente dernières années, entre les scores du Front et l’identité politique de ceux qui ont exercé le pouvoir, au sommet de l’État. A vouloir faire, à tout prix, la démonstration du contraire, Nicolas Sarkozy tente – on le comprend aisément – d’expliquer à ses électeurs quels sont ses vrais ennemis au moment où la porosité dans les urnes, entre droite et extrême droite, n’a jamais été aussi forte. Le problème est qu’il la tente alors que les élections départementales vont souligner qu’un Front à haut niveau ne fait en rien le jeu de la gauche. Nicolas Sarkozy, au fond, se trompe d’époque. Il fait mine de raisonner comme au temps où le FN était une force de second rang, tout juste bonne à fabriquer de la triangulaire. Or dans le système tripolaire qui s’est installé depuis quelques années, le parti de Marine Le Pen ne joue plus contre tel ou tel parti de l’arc républicain. Il menace l’arc républicain en tant que tel. Ce qui est très différent.

A vouloir contourner cette réalité ou à vouloir ruser avec elle, le président de l’UMP s’oblige à des acrobaties sémantiques dont on ne peut même pas dire qu’elles ont l’avantage de l’habileté. Parce qu’elles déroutent, elles démobilisent. Parce qu’elle sèment le trouble, elles font tomber les barrières. Parce qu’elles n’ont aucune crédibilité, elles se retourneront, un jour ou l’autre, contre celui-là même qui les a proférées. Plus Nicolas Sarkozy parle, plus il varie et plus il serre le garrot qui l’étrangle. Une fois encore, on voit combien, il a peu été inspiré en replongeant aussi vite dans l’arène politique, à un poste aussi exposé que celui de chef de parti.