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Hollande, balle au pied

Hollande, balle au pied

Ce devait être un simple rendez-vous. Ça sera donc une séquence de com’ en bonne et due forme. François Hollande n’avait pas grand chose en magasin pour donner un tour concret à son nouveau discours républicain, post-11 janvier. Il craignait que sa conférence de presse de jeudi ne soit, au mieux, que le résumé des épisodes précédents et, au pis, que l’expression achevée d’une forme d’impuissance. Il n’avait pas les moyens de remplir cette case inscrite tous les six mois dans son agenda et qui, de son point de vue, n’arrive pas toujours au moment opportun. Annuler était impossible. Meubler était risqué. Sur-jouer n’est toujours pas son répertoire favori, même s’il y fait de gros progrès. Le président de la République a donc déplacé le problème en étirant le temps. Les images de Kiev, puis de Moscou, seront une illustration de ce volontarisme européen, au service de la paix, dont il se veut le nouveau héraut.

S’exprimer puis agir dans la foulée est une manière de souligner une réactivité que les mots de l’Élysée ne suffisaient pas à montrer. C’est gonflé? Sans doute mais sans une prise de risque, perçue comme telle par l’opinion, le message se trouve immanquablement affadi. François Mitterrand, au cours de son premier mandat, avait servi aux journalistes – Christine Ockrent, en l’occurrence – un couplet du même tonneau en annonçant que les troubles en Nouvelle Calédonie, imposait qu’il se rende sur place. Quand? «Dès demain, Madame». Les bonnes vieilles recettes ne s’usent que si on ne s’en sert pas.

François Hollande s’essaie ainsi à cette verticalité jupitérienne qui sied au président. En ce sens, il prolonge le 11 janvier sans lui donner de contenu sur la scène intérieure. Il y a désormais un partage des rôles ouvertement mis scène entre le chef de l’État et son Premier ministre. L’un rappelle les grands principes – égalité, laïcité, fraternité – tout en magnifiant les institutions de la République – école, armée… L’autre met en forme les impulsions élyséennes. Jeudi matin, à l’Élysée, Valls a écouté en silence et en hochant la tête. C’est à lui que revient maintenant le plus dur, c’est à dire la définition de la politique qu’exige la dureté des temps. Hollande fixe des objectifs et dit une volonté. Matignon et le gouvernement devront être, demain, au rendez-vous des résultats. En apprenant à tenir son rang, le président prend de la hauteur ou, tout au moins, il s’y essaye. Hier, il adressait des textos en se mêlant de tout ou en se fixant des objectifs hasardeux – sur le chômage notamment. Aujourd’hui, il entend montrer qu’il reste, à sa place, le grand desservant du culte républicain. Ce qui n’est déjà pas si mal.

Le risque, pour Hollande, c’est désormais le creux. C’est aussi l’assomption loin des préoccupations des Français sur ce théâtre international où les présidents aiment à s’ébrouer tant il est réservé aux Grands de la planète. On voit bien comment Hollande tente de faire le lien entre la politique qu’il dessine au plan hexagonal et celles qu’il prône face à ses homologues étrangers. Mêmes objectifs, même méthodes, mêmes valeurs. Avec, en prime, la célébration de la place de la France qui est aussi une manière de rappeler l’influence de celui qui l’incarne. L’ivresse des cimes est le péché mignon des monarques élyséens. Elle a tellement manqué à Hollande, depuis 2012, qu’on comprend qu’aujourd’hui, celui-ci ne boude pas ce plaisir si particulier mais aussi si dangereux dès lors qu’il devient solitaire.

L’antidote, c’est la proximité. Celle qui naît de l’émotion, dans le drame – registre de janvier – mais aussi le bonheur partagé – registre du début février. La séquence de communication présidentielle de cette semaine n’a d’ailleurs pas débutée, jeudi, lors d’une conférence de presse. Elle avait commencée, deux jours plus tôt, à l’Élysée, lors de la réception, haute en couleur, de l’équipe championne du monde de handball. La France qui se bat… La France qui gagne… La France qui fait vibrer le cœur du pays… Hollande, sur le mode mémoriel, n’avait pas attendu les attentats de janvier pour s’avancer sans complexe afin de remodeler son image de petit père de la Nation. Sur le mode plus prosaïque du plaisir national et sportif, il entame une tournée qui n’est pas prête de s’achever. Ses confidences footballistiques au magazine Desport en annonce d’autres avec en ligne de mire la coupe d’Europe de l’été 2016, en France. Juste au moment où s’emballera la longue campagne de la prochaine présidentielle. Hollande sait l’usage que Chirac avait su faire de semblable événement en 1998. Tout cela peut encore servir au moment opportun.

Lorsqu’on relira l’histoire du quinquennat hollandais et de ce moment si particulier où l’image présidentielle a peut-être basculé dans une nouvelle dimension, sans doute faudra-t-il reprendre l’ensemble de cette séquence qui, en terme de pure communication, précise ce vers quoi l’Élysée travaille désormais. Il y a un mois, Hollande était Charlie. Le voilà passé à une autre étape qui fait le pari qu’à politique inchangée, le président peut retrouver durablement l’écoute de l’opinion. Dans cet exercice, il cherche, comme toujours, un prolongement qui ne soit pas une rupture. Si ça marche, on dira qu’il s’est révélé. Si le soufflé retombe, on dira qu’il n’a pas changé et c’est à ce moment là que la facture risque d’être diablement salée.